lophi #11 - pourquoi on a tous besoin d'un bouc émissaire
Au programme : pourquoi les jeunes ne font plus la fête, la figure du bouc émissaire chez René Girard, et le plus beau livre de philo (en toute subjectivité) 📚
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• les liens du mois 📚
👾 vidéo - Pourquoi les jeunes ne font plus la fête ?
Exceptionnellement, ce mois-ci, je mettrai en avant un lien un peu spécial puisque nous avons beaucoup travaillé dessus - Hugo Décrypte, Youtubeur que vous connaissez sûrement déjà tous, a publié une vidéo sur “Pourquoi les jeunes ne font plus la fête”. Cette vidéo, j’ai contribué à la préparer avec lui, pour y inclure quelques références philosophiques et sociologiques. Vous y entendrez donc quelques réflexions sur les sujets suivants ;
- Pourquoi les jeunes boivent moins d’alcool
- La fête en boîte de nuit est-elle finie ?
- Le rôle historique central de la fête- Le lâcher-prise nécessaire à la fête
- et encore beaucoup d’autres thématiques
Si la philosophie de la fête vous intéresse, venez donc jeter un oeil et nous faire vos retours sur ce nouveau format ! ⏰ : 16 min.
📝 article - Trop de fête au travail est-elle nocive ?
Pour rester sur ce thème, je souhaitais vous parler de cet article du Monde que j’ai trouvé passionnant. Il pointe les dérives de la start-up nation organisant mille et un événements au travail - afterworks ou autres hackathons - s’accompagnant parfois d’une forme de pression sociale à l’idée de devoir à tout prix participer.Le travail ne se réduirait donc plus à des simples missions effectuées pour un salaire, mais aussi à des soft skills ou compétences plus informelles - à savoir s’intégrer dans un groupe et se mêler à la culture de l’entreprise. Dans plusieurs start-ups, l’un des éléments mis en avant dans les processus de recrutement est d’ailleurs l’adéquation des futures recrues aux valeurs de l’entreprise.
L’entreprise n’est ici plus simplement vue comme un lieu dédié à la productivité mais comme une micro-société, régie par ses propres règles auxquelles il vaut mieux se conformer pour résister. Si cette vision apparaît donner plus de sens à la vie quotidienne du salarié (car il est plus agréable de venir au travail avec des amis plutôt que des simples collègues, et en ayant des perspectives positives à la fin de la journée), elle peut s’avérer, par son caractère trop inclusif voire intrusif, délétère pour le bien-être du salarié comme le montre ce papier. ⏰ : ≃ 5 mn.
• l’obsession du moment : le bouc émissaire chez René Girard
📚 Cette obsession du moment est partiellement inspirée du manuel que j’ai la chance de publier aux éditions Dunod, intitulé La violence en 55 oeuvres qui sortira en juin de cette année - précommandes ici.
S’il est initialement dédié aux classes préparatoires HEC, je pense que la variété des références convoquées sauront intéresser les plus curieux d’entre vous - j’y traite, comme sur Lophi, de philosophie mais avec d’autres disciplines - littérature, cinéma, jeux vidéos ou encore anthropologie.
Je vous laisse avec cette auto-promo et vous parle maintenant de René Girard !
N’avez-vous pas remarqué que dans chacun des groupes, que ce soit à l’échelle d’une classe d’école ou même d’une société, il y a toujours des boucs émissaires ?
Que ce soit l’élève plus faible et fragile ou une figure médiatique censée représenter tous les maux d’une société, les boucs émissaires sont omniprésents.
Mais pourquoi, au fond ?
C’est ce que nous invite à nous demander René Girard dans Le Bouc Émissaire (1982) mais aussi dans ses autres oeuvres comme La Violence et le sacré (1972).
📚 René Girard (1923-2015), anthropologue et philosophe, définit l’homme comme un être de désir. Nous sommes tous mus par cette poussée à désirer, mais aussi à désirer ce que les autres ont.
C’est ce qu’il appelle le désir mimétique.
Je désire être mon voisin, parce que je le trouve au fond bien meilleur que moi sur tous les plans - plus beau, plus couronné de succès, plus intelligent, plus riche. Comme je ne peux pas devenir mon voisin, je vais désirer ses biens. Par exemple ses possessions matérielles, ou même sa femme !
L’objet que je désire est finalement au second plan ; ce qui compte, c’est que je souhaite être en compétition avec lui.
🧨 Évidemment, cette rivalité mimétique ou triangulaire entraîne une forme de violence sans fin. Je vais vouloir m’accaparer les biens de mon voisin, mais celui-ci va évidemment se venger, et ainsi de suite. Selon Girard, la violence est alors une forme de cycle qu’on ne peut pas stopper.
Et c’est ici que le bouc émissaire intervient.
En fait, c’est une forme de régulation de la violence. Par sa simple présence, le bouc émissaire va permettre d’apaiser ce cercle infernal de désir que je viens de vous décrire.
La société va avoir besoin, pour calmer cette violence infernale, de sacrifier quelqu’un. Et ce quelqu’un sera le bouc émissaire.
⚔️ On passe d’un schéma de guerre de tous contre tous (cela rappellera peut-être Thomas Hobbes à certains !) à un schéma de guerre de tous contre un. Tout le monde va se liguer contre une seule personne. Cela peut être à l’école, en entreprise, ou encore comme on le voit fréquemment dans le monde médiatique - où une personne, par exemple à l’occasion d’un fait divers sordide, va être la cible de toutes les attaques.
Que le bouc émissaire soit coupable ou innocent n’importe finalement que très peu. Il faut de toute façon que la société expulse sa violence, son énergie négative, qui est présente quoi qu’il arrive. Le bouc émissaire cristallise alors cette rage collective.
Et finalement, seul son sacrifice permettra de revenir à la paix.
C’est au fond la figure du diabolisé qui est ici abordée par Girard - celui qui est jeté dans la fosse aux lions pour focaliser chacune de nos angoisses.
🎬 Si ce thème vous intéresse, n’hésitez pas à regarder le film M Le Maudit de Fritz Lang qui aborde exactement ces thématiques !
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• le livre du mois : Le mythe de Sisyphe d’Albert Camus 📚
📚 Beaucoup d’entre vous auront déjà entendu parler de cet ouvrage. L’ayant relu très récemment, j’ai eu directement envie de vous en parler en raison de sa puissance philosophique mais également émotive - ce qui est somme toute assez rare lorsque l’on lit un essai, où on s’attend moins à être transportés qu’en lisant une oeuvre de fiction.
✍️ Camus s’intéresse ici à la question philosophique qu’il estime être la plus importante ; est-ce que la vie vaut la peine d’être vécue, au fond ? Traversant ainsi la question du suicide, il aborde l’absurdité de l’existence et les attitudes possibles face à celle-ci - création artistique ou encore révolte politique. Il conclut son oeuvre en nous invitant non pas à l’espoir - impossible si l’on assume l’absurdité de l’existence - mais nous en invitant à trouver le bonheur dans chacun des grains de nos expériences, comme Sisyphe le fait en gravissant inlassablement son sommet.
⚠️ J’aurais pu vous proposer de lire des extraits, mais je n’ai pas envie de vous gâcher l’expérience. Je tiens juste à vous prévenir ; c’est un livre à lire en étant sûrs de vouloir être confrontés à ce type de désespoir existentiel. A ne donc pas conseiller à des amis fragiles en ce moment, car je peux vous assurer que cette lecture ne laisse pas indemne.
J’espère que ces découvertes vous ont plu ! Si vous souhaitez redécouvrir les anciens numéros de lophi, vous les retrouverez tous ici. Je vous souhaite une belle semaine, et à bientôt 👋