lophi #19 - tentative de démolition des médias
Au programme : Chomsky & l'anarchisme, la mariée de Saint Phalle, et l'intelligence des poulpes ✨
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• l’obsession du mois : une critique anarchiste des médias
Je vous l’avais promis pour ceux qui me suivent sur Instagram - je vais occasionnellement vous partager mes mémoires de recherche qui me semblent intéressants, et qui, je l’espère, susciteront en vous quelques pistes de réflexion.
Dans le cadre d’un master en philosophie contemporaine effectué à l’ENS Ulm, j’ai eu à produire plusieurs essais sur des thèmes assez libres. Vous le verrez, la forme est nettement moins vulgarisée que cette newsletter, en ce qu’ils s’adressaient à un public davantage académique. Je vais toutefois tenter de vous le résumer ici, en plus de vous en proposer une version complète pour les plus curieux.
Dans l’un de mes cours sur l’anarchisme, donné par Dominique Lestel (par ailleurs mon directeur de mémoire final), j’ai choisi de travailler sur le concept de média.
Image générée par mon compagnon d’intelligence artificielle, Dall-E
Les penseurs Chomsky & Herman, dans leur ouvrage La fabrique du consentement, se sont attaqués aux mécanismes qui régissent tout notre système médiatique. Pour eux, les médias sont des instruments bureaucratiques, idéologiques, défensifs, entre autres - ce qui en fait, au fond, des organes de domination de la pensée.
Pour autant, me suis-je demandée ; peut-on imaginer un média profondément différent de ce modèle-là ? Peut-on concevoir un média qui serait profondément libre, sans hiérarchie ? En somme, un média anarchiste peut-il exister, ou l’idée même d’un média - quelle qu’en soit la forme - n’est-elle pas associée, nécessairement, à l’idée de propagande ?
Pour déplier ce sujet complexe, j’ai tenté de m’attaquer à ce que j’ai appelé - sobrement… - le problème ontologique des médias, à savoir le problème des médias en tant qu’ils sont des instruments médiant l’information. Quand on est journaliste, on doit choisir des informations à travers un flux brut. On les sélectionne, on les met en avant, on les scénarise d’une certaine façon, et en bref, on les médiatise. De ce fait, le processus même de choix est au coeur de tout média. Et si choix il y a, alors, de fait, il y a aussi une forme de domination et de hiérarchie - domination induite par le fait que seulement quelques-uns (les journalistes) contrôlent l’accès de tous à l’information.
Domination induite aussi par le fait que des experts l’orientent, et que le langage même des médias est induit de biais, souvent inconscients.
J’explore cette idée avant d’en arriver à une forme de philo-fiction - à quoi ressemblerait un média sans journaliste ? L’IA pourrait-elle aider à atteindre ce but - pas nécessairement souhaitable ? Le devenir des médias n’est-il pas de devenir une forme de flux, sans aucune hiérarchisation possible, si l’on souhaite qu’il soit le plus anarchiste possible (car n’oublions pas que j’inscris ma réflexion dans ce cadre théorique précis, sans pour autant le souhaiter) ?
Si le sujet vous intrigue, voici le mémoire dans son intégralité ! J’y raconte notamment une partie de mon expérience au Centre de Formation des Journalistes. Dites-moi ce que vous en avez pensé en réponse à ce mail, je lis comme à chaque fois toutes vos contributions.
C’est le moment de partager lophi à vos proches si ce sujet vous a intéressés.
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• l’oeuvre d’art du mois
" La mariée, c'est une espèce de déguisement. C'est aussi une faillite totale de l'individualité, due à la carence masculine d'exercer les vraies responsabilités... "
Aujourd’hui, parlons de Niki de Saint Phalle, artiste féministe que j’ai eu la chance de voir exposée au MUDEC de Milan.
Cette oeuvre, qui n’était pas exposée à Milan malheureusement mais dont l’une de ses variations (La Mariée sur le cheval), si, est bien représentative de ce que Saint Phalle souhaite montrer dans sa réflexion - à savoir, les différents rôles sociaux que la femme est contrainte de jouer. Vous la connaissez peut-être pour ses “Nanas”, sculptures plantureuses et colorées, figures féminines puissantes et joyeuses.
Mais ici, elle explore le côté plus sombre de la femme. Le côté domestique, celui de la bonne ménagère qu’elle s’est toujours refusée d’exercer.
Souvent perçu comme l’apothéose de la vie féminine, ici, le mariage est subverti par l’artiste ; par des matériaux de récupération disparates, par des couleurs froides, et par un visage peu dessiné, elle semble montrer le désespoir de l’épouse. Désespoir amplifié par le fait qu’elle paraît presque envahie par le fardeau du mariage, qui prend toute sa poitrine ; le bouquet dépasse les bornes normales, et son corps prend des dimensions volumineuses qui semblent écraser l’épouse, comme étant contrainte de ployer sous le poids des responsabilités qu’elle n’est pas prête à prendre.
Saint Phalle va plus loin ; elle n’a eu de cesse de répéter, lors de ses interviews, que la mariée “n’est même pas une femme - c’est une pensée ou un zombie”. Une projection de ce que la société attendait d’elle, peut-être ? Un zombie, probablement parce que pour Saint Phalle, le mariage est la mort de l’individu, écrasé derrière une institution sociale qui le broie, mais aussi la mort de l’amour ?
Elle ne s’attaque pas qu’au mariage mais aussi à la maternité ; comme la mariée, la mère qu’elle aime représenter souvent est du côté de la mort. Elle est immobile, fantomatique, oubliée derrière les conventions sociales. Et aussi oubliée derrière les Nanas, elles pleines de couleur, qui représentent le futur des femmes telle que Saint Phalle l’espère.
Que pensez-vous de ces oeuvres radicales et de cette vision du monde ?
• le livre du mois
Ce livre est parfait pour ceux qui s’intéressent à la fois à la philosophie, à la neuroscience et à la biologique !
Peter Godfrey-Smith propose un ouvrage accessible sur la merveilleuse intelligence des poulpes. Leur spécificité, qui les rend aussi passionnant d’un point de vue philosophique, est qu’ils ont développé une forme d’intelligence totalement différente qualitativement et quantitativement de la nôtre. La manière d’être au monde des poulpes est en cela fascinante, en ce qu’ils constituent une expérience de l’évolution totalement indépendante de la nôtre, en tant qu’humains.
L’ouvrage est émaillé d’anecdotes de rencontre entre Godfrey-Smith & les poulpes, d’intermèdes plus philosophiques sur la nature de la conscience perceptive et animale, de passages passionnants sur les origines de la vie, et d’expériences de laboratoire fascinantes où les poulpes jouent avec les nerfs des scientifiques et semblent déjouer tous les pronostics.
Une lecture plus que conseillée, pour tous les niveaux !
J’espère que ces découvertes vous plairont ! Si vous souhaitez redécouvrir les anciens numéros de lophi, vous les retrouverez tous ici. A bientôt 👋