lophi #9 - pourquoi nous cherchons désespérément l'amour
Au programme : Kant et les extra-terrestres, la singularité technologique, l'amour chez Schopenhauer, et comment apprendre à parler de livres que nous n'avons pas lus 😅
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• les liens du mois 📚
👩💻 article - Qu’est-ce que Kant peut nous apprendre sur les extra-terrestres ? France Culture s’est attaqué à cette grande question dans un article passionnant que je vous conseille de lire. Dans sa Théorie du ciel, le grand philosophe s’est montré convaincu de l’existence d’autres êtres vivants dans le système martien. Ce qui n’est pas sans conséquences sur la loi morale à portée universelle que propose Kant. Comme l’explique Pauline Petit, auteure de l’article :
L'ovni apparaît comme un tiers qui permet à fois de nous définir en tant qu'espèce humaine, par comparaison, et d'avoir, potentiellement, un ennemi commun qui nous rappelle l'inutilité de se battre entre membres de la même communauté (ou race) d'êtres rationnels.
En somme, la figure de l’alien, au-delà de la spéculation pseudo-scientifique proposée par Kant, est définitivement un outil pour faire de la philosophie. A méditer !
⏰ : 10 min.
👩💻 article (universitaire cette fois-ci !) -
J’affectionne particulièrement l’Encyclo Philo, un travail en cours mené par des universitaires français visant à proposer une encyclopédie alliant technicité, rigueur, et accessibilité pour le grand public. Un des derniers articles publiés a particulièrement retenu mon attention. Écrit par la philosophe Eloïse Boisseau, travaillant dans le cadre de son doctorat sur l’intelligence artificielle, il s’intéresse à la singularité technologique. 🧠
Rédigé d’une manière à être compréhensible par le grand public, il démêle les fils de ce concept passionnant : l’idée selon laquelle un événement à venir, soit le développement d’une IA (intelligence artificielle) authentique, bouleversera l’ordre des choses. Cette singularité est-elle une opportunité ? Un risque ? Et au fond, quelles sont les objections que l’on pourrait soulever face à ce concept ? Une excellente lecture, claire et stimulante. ⏰ : ≃ 20mn.📹 vidéo - Peut-on philosopher sur les arbres ? 🌲
La réponse est définitivement oui : la vie végétale est riche d’enseignements, tant scientifiques que philosophiques. Je vous en parlerai plus en détail dans les prochaines éditions - mais d’ici là, regardez la merveilleuse vidéo de Balade Mentale nous détaillant le pouvoir des arbres. De quoi donner matière à penser sur leur définition, leur force, leur coopération, et leur importance. ⏰ : ≃ 10 mn.
• l’obsession du moment : la recherche désespérée de l’amour chez Schopenhauer
L’amour nous obsède. Il occupe une place démesurée dans nos oeuvres artistiques. S’invite en permanence dans nos conversations. Perturbe notre état émotionnel. Parasite notre concentration.
A ce titre, on peut se demander, comme le fait le grand philosophe Arthur Schopenhauer :
Pourquoi une chose si simple doit-elle tenir une place de cette importance et venir sans cesse déranger, et brouiller, la bonne ordonnance de la vie humaine ?
Le monde comme volonté et représentation, Schopenhauer. 📚
Car oui, cette chose peut apparaître, au premier regard naïf que l’on rejetterait dessus, terriblement simple. Comme il le dit joliment,
Il s’agit, en somme, pour chacun de trouver sa chacune.
Quel besoin y’aurait-il alors de philosopher là-dessus ? D’épiloguer en menant d’innombrables débats quotidiens, tournant souvent en rond ? De polluer son esprit qui pourrait s’intéresser à autant d’autres sujets bien plus existentiels et cruciaux ?
C’est parce qu’il ne s’agit absolument pas d’une bagatelle, selon Schopenhuer. Cette passion, pour le philosophe, joue un rôle de premier ordre dans la vie humaine. Sa tâche, dans l’un des chapitres de son oeuvre monumentale Le monde comme volonté et comme représentation, sera alors bien d’explorer cette terre souvent oubliée par la philosophie.
Le but dernier de toute intrigue d’amour (…) est en réalité supérieur à tous les autres buts de la vie humaine, et mérite bien le sérieux profond avec lequel on le poursuit.
Le monde comme volonté et représentation, Schopenhauer. 📚
➡️ Mais pourquoi l’amour joue-t-il un si grand rôle dans l’existence humaine ?
Tout simplement parce qu’il s’agit de décider de la composition de la génération future. A première vue, les intrigues d’amour sont donc frivoles. Mais, si on les considère par le prisme de Schopenhauer, elles dépassent l’intérêt des individus impliqués. Chacun d’entre nous travaille sans le savoir pour l’espèce.
C’est en cela que sa conception de l’amour est profondément métaphysique = c’est au fond la volonté implacable du monde, forme de rouleau compresseur qui pousse notre espèce à perdurer, qui fonctionne à travers nous. Elle s’exprime à travers les individus qui continuent à se reproduire, malgré le malheur que leur existence leur apporte.
A ce sujet, j’ai fait un post récemment sur mon compte Instagram @ElevationsFR expliquant la nature si peu enviable de l’existence humaine selon Schopenhauer. Vous le retrouverez ci-dessous !
En cela, c’est une forme de passage de l’individu à l’espèce = nous imaginons rechercher l’amour pour lui-même, car il nous épanouit, mais nous ne faisons qu’accomplir le jeu d’une volonté qui nous échappe. D’une mécanique implacable, celle de la perpétuation de l’espèce, qui continue à perdurer à travers nous.
Chaque génération se livre donc à un fort commerce amoureux qui, loin d’être superficiel, est au fond une grave méditation sur la composition de la génération future.
Je vous laisse avec un extrait que je trouve merveilleux :
Ces intrigues d’amour si frivoles servent à déterminer l’existence et la nature des personnages du drame destinés à paraître sur la scène, quand nous l’aurons quittée.
⚠️ Remarque - ce texte a été rédigé en 1818 et s’intéresse particulièrement au cas de l’amour hétérosexuel. Je vous prépare, pour d’autres éditions, des réflexions plus poussées sur l’amour homosexuel ainsi que sur d’autres formes de relations sentimentales, mues par d’autres fins (la philosophie a notamment beaucoup parlé de l’amour platonique, ce qui signifie … provenant de la pensée de Platon réinterprétée par la Renaissance !). Si vous ne pouvez pas attendre d’ici là, lisez ou relisez le Banquet de Platon, excellente référence sur ce sujet ❤️
C’est le moment de partager lophi à vos proches si ce voyage dans la pensée de Schopenhauer vous a comblés !
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• le livre du mois : Comment parler des livres que l’on a pas lus ? de Pierre Bayard 📚
📚 Ne me dites pas que cela ne vous est jamais arrivés. Lors d’une conversation, on vous demande si vous avez lu tel nouveau livre ou tel classique. Et là, c’est la panique. Non, vous ne l’avez pas lu. Mais peut-être que vous en savez quelque chose. Peut-être que vous en avez déjà parlé dans une de vos lointaines copies de bac de français ou de philo. Peut-être que vous avez vu le film dérivé de l’histoire. Peut-être que vous ne savez même pas de quoi ça parle.
✍️ Pierre Bayard, professeur d’université et critique littéraire, nous explique que ce n’est pas si grave et que lui-même convoque, dans le cadre de son travail, de nombreux ouvrages absolument jamais lus.
📚 Pour cela, il part d’un fait finalement simple : lire ou ne pas lire est une fausse dichotomie. On peut parcourir un livre, le feuilleter, en avoir entendu parler, l’avoir à moitié lu, l’avoir lu mais ne plus s’en souvenir.
Les lecteurs comme les non-lecteurs sont pris, qu’ils le veuillent ou non, dans un processus interminable d’invention des livres. La véritable question n’est pas, dès lors, de savoir comment y échapper, mais comment en accroître le dynamisme et la portée.
Pierre Bayard
Nous inventons de toute façon les livres que nous avons lus : nous les réinterprétons à la lumière de nos biais, nos souvenirs nous font parfois défaut, et nous pouvons tout à fait les avoir mal compris, mal lus, ou mal intégrés dans l’époque où ils ont été produits.
En cela, l’expérience de la non-lecture peut être tout aussi enrichissante que celle de la lecture : savoir parler de ce que l’on a pas lu est un talent, que l’on peut enrichir et travailler, et qui nous amène à savoir faire des liens, à montrer en quoi le livre s’intègre dans un réseau plus large que celui-ci (ce que Bayard appelle notre bibliothèque collective). Mais parler d’un livre que l’on n’a pas lu est aussi un moyen de cultiver l’imagination, la capacité à extrapoler, et à penser par soi-même.
📚 Je ne veux pas trop vous en dire car pour le coup, je vous conseille absolument de lire cet ouvrage. Très rapide, émaillé d’exemples littéraires pertinents, informé et intelligent, il vous donnera certainement matière à penser et à débat.
J’espère que ces lectures vous ont plu ! Si vous souhaitez redécouvrir les anciens numéros de lophi, vous les retrouverez tous ici. Je vous souhaite une belle semaine, et à bientôt 👋